J’ai eu la chance d’animer juste avant le confinement 6 ateliers philo avec une classe de 5 ème au collège Paul Valéry de Roquemaure, grâce notamment à leurs formidables professeurs de Français et d’Histoire. Voici des extraits de la discussion autour de la « curiosité ».

En vrais philosophes en herbe, ils se sont exprimés sur le sujet. Et, comme à chaque fois, je suis frappée par leur avidité à participer. Ils apprécient particulièrement de pouvoir s’exprimer librement, sans jugement, et de partager un temps calme, d’écoute, de partage, avec leurs camarades.
Les mots: Liberté et calme, reviennent principalement dans leurs retours positifs sur l’atelier. D’autres regrettent que tous ne participent pas, mais c’est une des conditions de la liberté de l’atelier. Chacun est libre de s’exprimer oralement ou non. Parfois le silence de certains n’est pas l’expression d’un désintérêt. Ils sont attentifs et apprécient les échanges, sans éprouver le besoin de prendre la parole.

Ces discussions sont précieuses et riches. Elles invitent de futurs adultes à réfléchir par eux même, avec les autres. C’est aussi cela se préparer à devenir citoyen.

Delphine Demangeon


Extrait de la formation

doc17595920200507153619

J’ai animé un atelier philo avec une classe de 6 eme, et comme toujours, ils m’ont impressionnée d’intelligence et d’enthousiasme!
La question portait sur l’identité: qui suis je?
Et leur réflexion m’a permise de réaliser un schéma représentant un soleil dont le coeur est notre essence, notre moi, et tous les rayons ce qui nous caractérisent: notre physique, notre caractère, notre réseau, ce qu’on fait, ce qu’on croit, etc.
L’un des rayons représentait leur scolarité, et leurs résultats scolaires. Cela leur a permis de prendre du recul: « Je ne suis pas nul, si j’ai une mauvaise note! Je ne me résume pas à un rayon! » Ouhhhaaaa quelle sagesse…
Nous le savons, plus ou moins, mais le visualiser l’a rendu concret. C’est thérapeutique!
Je vous invite à le réaliser avec vos enfants ou pour vous même:)

 

Je t’aime. Je te veux. Tu es à moi. Je suis attaché à toi. Fou à lier. Je te prends. Tu me manques. Ne pars pas. Reviens.

Ma femme. Ma chose. Mon amour.

Georgette et Henri ne se sont jamais quittés. Ils ont eu une vie calme, presque sans heurts, souvent la main dans la main, toujours un baiser au coin des lèvres pour dire bonjour, parfois un sur le front pour dire pardon, et la sérénité de savoir l’autre chaque nuit à la même place, saison après saison, avec le sentiment d’appartenir à l’autre comme on appartient au monde, de façon innée, évidente et indiscutable.

Brigitte et Denis se sont mariés après quelques mois d’amour tout neuf. Brigitte a pris le nom de Denis, ils ont signé un contrat et passé des bagues à leurs doigts. Puis ils ont acheté ensemble une petite maison en banlieue, ouvert un compte commun, partagé leurs repas, leurs nuits, leurs amis. Leurs 2 enfants sont nés dans la foulée, créant un lien irréversible. Pourtant Brigitte a découvert les odeurs de parfum d’une autre sur les chemises de son mari. Elle se demande pourquoi toutes ces marques d’engagements, toutes ces preuves d’amour, tous ces balisages n’ont pas suffi pas à faire de Denis son homme rien qu’à elle, comme le sont sa maison et sa bague en or blanc.

Aude et Julien se sont rencontrés à la fac. Ils se sont aimés follement, par épisode. Elle a beaucoup voyagé pendant qu’il poursuivait ses études d’architecte. Parfois avec la distance ils ont oublié de s’aimer, mais après quelques aventures distrayantes, l’envie revenait de se retrouver. Aujourd’hui ils vivent dans un petit appartement, ne veulent pas se marier, ne songent pas encore aux enfants. Aude continue de parcourir le monde pour son travail qui la passionne, Julien s’épanouit dans ses projets, et quand ils se retrouvent, leurs vies se multiplient.

Ces histoires racontent le lien amoureux, ce lien qui fait qu’on est ensemble, qu’on forme une entité amoureuse. Quelle que soit la relation, avec plus ou moins de liberté, plus ou moins de fusion, il y a quelque chose de fondamental qui l’anime et rend indissociable les 2 individus qui la font vivre.

Quel est ce lien à la fois fort et fragile qui noue 2 personnes? Faut-il s’accrocher pour tenir ensemble? Se détacher pour mieux s’attacher? L’amoureux est-il un prolongement de soi? M’appartient-il puisque sans moi il perd son statut d’amoureux?

Qu’y a t-il de rassurant ou d’angoissant dans l’idée d ‘appartenir à l’autre ? Que complète t-il ? Aimer, est-ce se perdre ? Se regarder ? S’accepter ? Se découvrir ? Le lien amoureux est-il amour ? Possession ? Un rempart contre l’idée de la mort ?

Appartenir à l’autre est une sorte d’idéal amoureux, un rêve de fusion qui naît de la rencontre de deux corps mais aussi de deux esprits désireux de s’attacher pour fabriquer une nouvelle entité. Il y a une démarche de création, de composition, un peu comme dans un puzzle. Le mélange de deux puzzles pour en créer un nouveau. Désassembler des pièces de soi pour s’assembler avec des morceaux de l’autre. Se fragmenter, s’émietter, se morceler, donner à l’autre des bouts de soi pour créer un nous. Pour certains c’est se perdre pour de bon, se renier. Pour d’autres c’est s’enrichir, se multiplier.

Le lien qui résiste est peut-être celui qui ne se voit pas, ne s’écrit pas, ne s’impose pas. Il est dans le partage et l’échange, dans la capacité à se donner sans tout perdre, à prendre sans tout vouloir. Il est un fil délicat entre la liberté, le manque, et l’infini besoin de se reconnaître en quelqu’un…

« Toute notre félicité et toute notre misère ne résident qu’en un seul point : à quelle sorte d’objet sommes nous attachés par l’amour ? » Spinoza.

« L’amour fait se rencontrer deux plaisirs essentiels mais contraires : le plaisir de s’attacher et le plaisir d’être libre » Jacques Salomé.

                                                                              Sandrine MOYRIAT

                                         Avec la participation de Delphine DEMANGEON

                                                                                   Le 17 Novembre 2018